Guérir le mal de mer

Facteurs favorisants, conseils et présentation des différents médicaments pour combattre ce fléau qui touche (presque) tous les marins. Suite de l’article « comprendre le mal de mer ».

Le Dr Jean-Yves CHAUVE est spécialiste de la médecine de mer et marin. Il assure depuis 2O ans l’assistance de diverses courses au large et a écrit 5 bouquins sur le sujet dont l’indispensable « Guide de la Médecine à distance », en deux tomes (Consulter un médecin à distance – Soigner avec un médecin à distance). Cet extrait de « Instants de Vie, les marins du Vendée-Globe » est reproduit sur le site web de l’association Sail The World

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Guérir le mal de mer

Comme nous l’avons vu, le conflit d’information entre les récepteurs principaux de l’équilibre situés dans l’oreille (le niveau à bulle) et les récepteurs secondaires (l’œil, les ligaments) est le facteur déclenchant principal. Mais la divergence d’informations entre les récepteurs secondaires eux-mêmes est parfois un facteur aggravant redoutable. Ainsi à l’intérieur de cabine, l’œil perd son unique repère géométrique stable : la ligne d’horizon. Le système de l’équilibre est encore plus désorienté, c’est la raison pour laquelle on est plus malade à l’intérieur du bateau qu’à l’extérieur.

D’autres facteurs peuvent interférer. La fatigue, le froid, l’anxiété, l’inaction, les odeurs sont souvent très actifs pour transformer une simple langueur en un cauchemar incoercible.

Enfin les mouvements du bateau eux-mêmes sont plus ou moins favorisants. Les plus nuisibles sont les mouvements de tangage (déplacements de haut en bas type ascenseur). Les mouvements angulaires type roulis sont en général mieux supportés. La sensibilité du système de l’équilibre est maximale avec les mouvements perpendiculaires à la ligne œil-oreille.

En fonction de tout cela, quelle elle la meilleure solution pour éviter le mal de mer ? Si les conditions le permettent, rester à l’extérieur pour garder la ligne d’horizon ou tout point fixe de la côte comme référence géométrique stable. Si possible, s’installer à l’arrière du bateau, là où les mouvements sont le moins amples.

Si ca ne va pas très bien, s’allonger à l’extérieur, dans un endroit confortable, tête bien calée par des coussins ou des sacs, visage tourné vers le ciel. Si le temps est trop mauvais, s’allonger dans la zone la plus basse du bateau (près du centre de gravité), par exemple sur le plancher et vers l’arrière. Si ca ne va vraiment pas, rester à l’extérieur et demander a être attaché du côté sous le vent. À l’intérieur, il est bien d’avoir un seau ou un sac à portée de main avant qu’il ne soit trop tard. Et tenter de rester discret… Le mal de mer est un phénomène souvent contagieux.

Les symptômes du mal de mer sont en général insidieux avec une apathie, une somnolence, un ralentissement de l’activité, un désintérêt pour ce qui se passe alentour. Le trouble peut parfois en rester là, c’est un moindre mal dans la plupart des situations. Pour un coureur du Vendée-Globe, cet état peut déjà peut avoir des conséquences graves avec des évaluations et des prises de décisions ralenties, retardées ou différées.

Puis le mal entre dans sa forme d’état qui débute par des maux de tête, des bâillements, une pâleur du visage, des sueurs froides. Les nausées apparaissent ensuite suivies ou non par les vomissements. Une grande lassitude se manifeste et il faut vraiment se secouer pour ne pas se laisser aller.

Les vomissements apportent un soulagement certain mais en général de trop courte durée. Ils entraînent une libération de la surcharge nerveuse liée aux conflits d’informations. Un armistice en quelque sorte. Malheureusement cette surcharge nerveuse va s’accumuler de nouveau, entraînant de nouveaux spasmes qui vont se prolonger jusqu’à ce que l’amarinage soit obtenu.

Il n’existe pas de remèdes miracles contre le Mal de Mer, c’est donc à chacun de trouver le produit qui lui convient le mieux. On peut citer les antihistaminiques à base de dimenhydrinate ou de molécules voisines (Dramamine, Nausicalm, Nautamine, Mercalm). Outre les contre-indications habituelles de ce type de produits, ils provoquent souvent une somnolence.

Les antihistaminiques à base de Cinnarizine ont les mêmes contre-indications. Ils sont plus efficaces et entraînent moins de somnolence. Le seul produit contenant de la Cinnarizine en France (Sureptil)n’est malheureusement plus commercialisé. On le trouve dans les pays limitrophes sous le nom de Stugeron. Les anti-émétiques (Vogalène, Primperan) agissent contre les vomissements. Leur efficacité est assez moyenne avec peu d’effets secondaires et de contre-indications. Les Atropiniques transdermiques (Scopoderm) à coller derrière l’oreille ont une bonne efficacité si le produit est bien toléré, ce qui n’est toujours le cas. Les précautions d’emploi sont à respecter à la lettre. Il n’est pas autorisé aux moins de 15 ans.

Les systèmes d’acu-massage collés au niveau d’un point d’acupuncture du poignet peuvent avoir une bonne action sans contre-indications ni effets secondaires notables. Les granules d’homéopathie (Borax, Cocculus, Nux vomica, Tabacum, Petroleum) peuvent aussi être efficaces.

Selon ses convictions et son expérience, chacun peut trouver dans ce catalogue succinct le produit qui lui convient le mieux.

Mais la prévention est également essentielle. Il faut quitter le port après avoir bien dormi et fait un repas copieux mais léger. S’habiller chaudement (il fait toujours plus frais en mer) et garnir ses poches de quelques barres de céréales pour tenir sans avoir besoin d’aller chercher de la nourriture à l’intérieur. Quelques bouteilles d’eau (type Vichy) à portée de main ne seront pas inutiles. Une fois en mer, il est important de s’économiser. Quand c’est possible, mieux vaut s’allonger que rester assis. Il faut éviter les séjours à l’étrave et à l’intérieur. Penser à grignoter régulièrement des barres de céréales, des fruits, des gâteaux secs. Boire abondamment.

Enfin, sachez que le mal de mer ne dure, en général, guère plus de 2 jours.

Comme quoi mieux vaut partir autour du monde que faire des ronds dans l’eau. Ce n’est pas moi qui le dit mais la physiologie de l’homme !

Jean-Yves CHAUVE pour STW